Chaque hiver, des centaines de bateaux quittent les ports de la destination Baie de Saint-Brieuc – Paimpol – Les Caps pour aller pêcher le coquillage le plus prisé de la région : la Coquille Saint-Jacques.
L’or blanc des Côtes d’Armor
D’octobre à mars, ce sont près de 6000 tonnes de coquilles qui sont pêchées depuis Loguivy-de-la-Mer, Saint-Quay-Portrieux et Erquy, ports situés sur le gisement le plus productif de France avec ses 150 000 hectares.
Cette ressource, précieuse, est très encadrée par une législation qui assure sa protection et sa bonne reproduction. C’est ainsi que les pêcheurs, titulaires d’une licence spécifique, bénéficient de 45 minutes de pêche par jour, à raison de 2 jours par semaine. Si les coquilles sont ramassées majoritairement à la drague (nom donné à l’engin métallique, en forme de poche et composé d’anneaux, qui est trainé sur les fonds pour ramasser les coquillages enfouis), une petite partie de la profession s’est spécialisée dans la pêche en plongée, une pratique plus artisanale.
Embarquement immédiat avec l’un des 11 licenciés de la destination !
Plongée dans la pêche à la coquille
Pour découvrir cette technique, c’est chaussée de mes plus belles bottes que je me suis rendue à Saint-Quay-Portrieux, port d’attache du Ki Dour Mor où m’attendait l’équipe qui y officie depuis 3 ans. À sa tête, Victor Coutin et sa femme Aurélie. Cet ancien matelot sur des chalutiers a concilié sa passion pour la plongée et son travail en créant son activité de pêcheur-plongeur en accord avec ses valeurs, en s’engageant dans une pêche réellement durable et écologique.
Après une sortie annulée pour cause de grand vent, c’est en compagnie de Kenan et Wally, les deux plongeurs, et de Gildas, le pilote, que j’ai pris la mer ce matin-là pour l’une des deux sessions hebdomadaires de pêche à la coquille. Après quelques dizaines de minutes de navigation légèrement mouvementée, le bateau se stabilise et les plongeurs s’équipent sous la pluie. La mise à l’eau est prévue à 13h45 tapante, au moment de l’étale quand le courant entre deux marées est quasi nul. À l’heure dite, les deux courageux s’immergent dans une eau à 13°C pour 2 heures (la durée légale pour la pêche en plongée) avec des bouteilles remplies de Nitrox, un mélange d’oxygène et d’azote qui leur permet de rester plus longtemps sous l’eau et de réduire considérablement leurs paliers de décompression.
Avec Gildas, nous attendons patiemment quelques minutes avant que l’œil affuté du professionnel n’aperçoive le premier parachute orange apparaître à la surface. À son extrémité, l’un des 8 sacs de 30 kg emportés par les plongeurs. À ce moment, tout s’accélère : Gildas dirige le bateau sur lui, l’attrape à l’aide d’une barre à crochet pour ensuite vider son contenu dans l’un des nombreux bacs de l’embarcation. Le deuxième parachute ne tarde pas à se montrer et la manœuvre recommence ainsi durant 1h, moment auquel Kenan et Wally remontent dans le bateau afin de changer de bouteille, reprendre leurs sacs et repartir de plus belle.
Durant ce temps, Gildas ne chôme pas une seconde tandis que je scrute l’horizon à la recherche des précieux parachutes. Il vide les filets, commence le tri et nettoie les coquilles qui sont alors rangées en fonction des tailles (de 11 à 13 cm) et des commandes des clients (mareyeurs, particuliers, restaurateurs) déjà effectuées sur le site internet de Ki Dour Mor. Au bout de 2 heures de labeur, les 450 kg qui leur sont autorisés pour cette pêche (contre 1,20 tonne pour les pêcheurs à la drague) sont à bord, prêts à être envoyés à leur destinataires dès le lendemain matin pour se retrouver chez les consommateurs sous 24h.
Nous rentrons au port, où je les quitte alors que le jour décline et que la pluie commence à tomber, mais le travail est loin d’être terminé pour les 3 hommes qui vont continuer de trier avant de mettre en bourriches la récolte du jour. Le lendemain, c’est une autre pêche qui les attend, celle des ormeaux que ces professionnels pratiquent également 3 fois par semaine en complément de la coquille Saint-Jacques.
Cette plongée avec l’équipage très sympathique de Ki Dour Mor, m’a permis de découvrir une autre pêche, qualitative et durable, en compagnie de marins passionnés qui valorisent les produits tout en prenant soin de la faune et la flore marine du gisement naturel classé de la Baie de Saint-Brieuc. Une démarche respectueuse qui séduit aujourd’hui de nombreux professionnels comme des chefs étoilés !